Jean Nouvel - Crédit Portrait Gaston Bergeret
 Jean Nouvel - Crédit Portrait Gaston Bergeret

Jean Nouvel : Morphogenèse d’un angle hospitalier

L’angle du boulevard Montparnasse et de la rue du Cherche- Midi est on ne peut plus parisien. Nous l’aimerions hospitalier dans le double sens du mot.
Les hôpitaux parisiens ont longtemps eu une image familière de petite ville dans la grande ville. Composés de différents bâtiments-pavillons, ils étaient le plus souvent entourés de jardins, censés constituer des espaces de promenade, espaces arborés pour les visiteurs et quelquefois les malades. La deuxième moitié du XXe siècle a bousculé cette typologie en créant de grands bâtiments fonctionnels souvent étrangers et à l’hôpital pavillonnaire et à son quartier parisien.
Le but serait ici de réconcilier les logiques. Bien sûr, le bâtiment Imagine doit être fonctionnel mais pas au sens restrictif du fonctionnalisme. Le plaisir d’y travailler est une dimension de l’efficacité de la recherche. Et, pour bien comprendre l’architecture proposée, il faudra ici faire appel de la même façon à son Q.E. (quotient émotionnel) et à son Q.I. ! L’image de l’installation hospitalière doit être accueillante, ouverte, lumineuse.
Imagine va accueillir des enfants, des parents : la connexion avec l’hôpital Necker doit être une invitation. Les médecins et les chercheurs vont y travailler dans la conscience sereine d’appartenir selon les moments au monde de ces enfants ici soignés, mais aussi, au monde des chercheurs qui passent du calme de leur labo à des espaces naturels de dialogue et de rencontre.
L’appartenance d’IMAGINE à Paris, sa volonté de donner un caractère et une symbolique à une vocation aussi noble, est aussi un des principaux enjeux architecturaux. Il s’agit de constituer un angle urbain de première importance, de témoigner dans la concrétion urbaine des années 2010 en l’enrichissant d’un témoignage sensible. Imagine dialogue avec les toits parisiens, avec les arbres parisiens, avec les cœurs d’îlots lisibles en profondeur, avec les héberges haussmanniennes. Architecture de lumière de haute précision, elle symbolise la pointe de la recherche aujourd’hui. Son caractère est aussi donné par le rythme des façades où le thème graphique de l’imagerie cellulaire de la lecture de l’ADN apporte, par son ambiguïté, une dimension poétique, onirique et mystérieuse.
Ce thème vient aussi imprimer les murs mitoyens du jardin. La nuit, ces rythmes polysémiques créent une perception de « fenêtres » de différentes échelles…
Sur le boulevard du Montparnasse l’entrée des chercheurs et du centre de séminaires, en transparence avec le jardin intérieur, crée un grand porche, véritable parvis couvert, protecteur et accueillant. La rue du Cherche-Midi, elle aussi, plantée avec un alignement de peupliers qui tamise les vues sur les immeubles en vis-à-vis. L’accès des enfants depuis l’hôpital Necker se fait en traversant une grande serre plantée en continuité avec le jardin.
L’architecture révèle en son sein une vraie surprise, une dimension cachée.
Le cœur du bâtiment est largement éclairé naturellement : zénithalement par des vues sur le ciel, latéralement par deux serres traversant le jardin au nord-ouest. Depuis les balcons intérieurs des labos, les chercheurs voient l’espace de consultation des enfants et son jardin intérieur. Dans les hauteurs du bâtiment, le centre de séminaires bénéficie d’un panorama exceptionnel et devient une vitrine de la fondation Imagine.
Jean Nouvel Architecte

Publié dans le Grands reportages - l'hôpital de demain, Magazine Février 2012, Recherche. Avec ce permalien.