La gestion patrimoniale des établissements de santé est au coeur des activités de l’ingénierie hospitalière.
Pris dans son sens large, elle a pour objectif de mettre à disposition d’un établissement ou d’un territoire de santé une structure immobilière appropriée pour abriter les activités de soin et les activités supports associées, en garantissant la sécurité et la sûreté à un coût supportable pour la collectivité. Elle a donc un champ très important et inclut aussi bien les activités d’exploitation technique et de maintenance que la politique d’évolution du patrimoine à court et long termes avec des opérations d’extension, de suppression, de substitution ou de restructuration de ses éléments.
Les difficultés rencontrées pour définir puis développer une stratégie patrimoniale efficiente sont nombreuses et sont notamment liées à l’évolution du contexte sociétal. Les progrès de la médecine, les évolutions de la prise en charge des patients (diminution de la DMS, développement de l’ambulatoire, création de parcours de soins, territoires de santé), le vieillissement de la population, l’évolution des exigences et des attentes des patients, l’apparition de nouvelles menaces en santé publique, l’ambition sociétale de diminution des risques de toute nature, sont quelques-uns des éléments qui entraînent une obligation d’adapter le patrimoine hospitalier aux multiples contraintes en constante évolution.
On assiste ainsi à une contradiction entre deux calendriers qui fonctionnent sur des échelles de temps qui ne sont pas les mêmes. Le calendrier qui rythme le patrimoine immobilier est un calendrier qui se décline en décennies plutôt qu’en années : réflexion sur les besoins immédiats et futurs dans le cadre d’un plan directeur immobilier, puis enchaînement des opérations de restructuration ou de constructions neuves qui sont elles-mêmes longues compte tenu de leur complexité technique et architecturale, de la longueur des procédures et des prises de décisions dues à leur impact sur le contexte urbain, environnemental et économique.
Le calendrier de l’évolution des besoins est un calendrier avec un rythme rapide, avec les réformes du système de santé qui s’enchaînent à un rythme très soutenu, une amélioration permanente des équipements biomédicaux et des évolutions réglementaires incessantes. La prise en compte du développement durable et l’ambition de maîtriser les dépenses de santé obligent à raisonner en coût global sur une durée de 30 ou 40 années pour amortir une structure immobilière. L’exercice est particulièrement difficile compte tenu des incertitudes qui pèsent sur l’avenir et des éléments développés plus haut.
Il n’en reste pas moins vrai que malgré ces difficultés, le défi doit être relevé. Une gestion patrimoniale efficiente doit s’appuyer sur des compétences et des outils. Les compétences, ce sont d’une part celles des managers et des experts de l’ingénierie hospitalière que sont les programmistes, architectes, ingénieurs de multiples spécialités du bâtiment et ingénieurs de maintenance, mais aussi ingénieurs en organisation, en gestion de flux, en développement durable, en qualité…et d’autre part celles des financiers. Les outils pour accompagner les compétences sont indispensables compte tenu du volume extrêmement important des informations à saisir puis à faire vivre dans la durée.
Ils doivent impérativement pouvoir dialoguer avec le système d’information de l’établissement et ses multiples composantes (GMAO, GTB, gestion des équipements mobiliers, gestion des allocations d’espaces en liaison avec la gestion des pôles, gestion financière). La prise de conscience, bienvenue mais plutôt récente par le ministère et les tutelles de la nécessité de promouvoir une politique de gestion du patrimoine immobilier et foncier des établissements de santé ne doit pas cacher la complexité de la tâche et la rigueur méthodologique qui devra accompagner toute prise de décision en la matière et du temps nécessaire à toute inflexion de modification de gestion patrimoniale.
De nombreuses expériences passées montrent que le chemin à parcourir reste long et qu’il doit être accompagné d’une réelle prise de conscience par les décideurs (ARS et directions d’établissements) de l’obligation absolue de revoir les circuits décisionnels. Les changements multiples de politique en gestion patrimoniale (parfois même en cours de travaux) sont incompatibles avec les contraintes opérationnelles qui s’imposent en la matière, sauf à en accepter les lourdes conséquences financières, de délais et fonctionnelles.
Le chemin sera difficile et nécessitera de bousculer beaucoup d’habitudes et d’organisations inadaptées en la matière, mais il est indéniablement nécessaire et porteur d’espoir pour améliorer l’efficience des investissements et des coûts d’exploitation que notre société consacre aux établissements de santé.
Jacques Roos
Président IHF
Directeur Infrastructures et Travaux des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg